Il exista ce temps où dans les chatoiements de la chambre nuptiale,
Nous composâmes une œuvre poétique et sauvage, hérétique et pieuse,
Ce temps où tes mains façonnaient mon corps, ses ivresses cruciales,
Sculptaient ma symphonie divine, l'absolution heureuse
Je te rend ta passion, tes extases flambantes, je te les rend,
Car il fallait tout rendre et ne pas recevoir, et ne plus te revoir,
Pour parjurer ce mal ineffable d'être la femme d'avant,
Il fallait faire cela au tout premier serment, à l'antique parloir
Je suis la femme d'avant, mes branches ploient sous le poids de ma peine,
Mes racines s'enfoncent dans un sol torturé,
Et ma sève est toxique et brûlante, et noire comme l'ébène,
Je bois le dernier élixir à des tombes putrides, à la mort condamnée
Tu avais en tes yeux, aussi clairs que l'aurore, cette candeur d'enfant,
Cette fastueuse paresse, pleine de fougue et aussi de mystères,
Cette expression plus digne qu'un Sultan triomphant,
Qui contemple ses terres au retour de la guerre
Tu avais en tes gestes aussi délicieux qu'une escale en Éden,
Des élans emphatiques, des sources fulgurantes, des soubresauts farouches,
Et autant de tumultes que l'océan entier, qu'un milliard de phalènes,
Et autant de cruels démons que mon délire enfourche
Je suis la femme d'avant : Tu peux les prendre toutes, mais vas-y, aime les !
Je sais ce que tu fais, c'est cela qui me tue,
En moi croît une cohorte de ronces, de couteaux, d'épines entremêlées,
Vois-tu cette peau de serpent qui recouvre mon deuil, la vois-tu?
Ohhhh....Ai-je encore en moi un copeau d'espérance ?
Si je sonde l'abîme: ce jour-ci qui s'avance est mauvais,
Et le jour qui suivra pèsera toujours plus dans la sombre balance,
Jusqu'au dernier naufrage, à l'ultime partance, à la vision crevée
Je suis la femme d'avant, ahhh....La femme d'avant...
Dans la chambre nuptiale où je tombe en poussières,
Tandis que tu t'essouffles, tu brûles, tu râles au firmament,
Mon squelette devient pâle dans la fade lumière,
Je suis la femme d'avant, je n'existe plus, je suis une pensée confuse,
Une funeste erreur, une blessure horrible, un souvenir d'antan,
Qui se tord et convulse, et dont le cœur dans la noirceur infuse,
Je suis un trait d'union sur une crypte ancienne....Je suis la femme d'avant....